22.5.10

Annie Le Brun, a dama de negro, próxima dos surrealistas, acaba de publicar um novo ensaio literário


Próxima dos surrealistas, Leitora e estudiosa de Sade e AlfredJarry, Annie Le Brun, a grande dama de negro, acaba de publicar um novo ensaio literário. Transcrevemos a seguir o texto que se lhe refere publicado na revista Le Nouvel Observateur.



À son poignet minuscule, Annie Le Brun porte désormais deux montres noires. Deux Swatch adolescentes usées, identiques sauf par la taille. La grande, c’est celle du poète croate Radovan Ivsic, décédé à Noël dernier, avec qui elle vivait depuis plus de quarante ans. Quand le pire est arrivé, que reste-t-il ? L’Ecclésiaste dit que d’un surcroît de lucidité découle un surcroît de malheur. On espère que ce n’est pas exact, mais elle se gardera bien d’en parler. L’amour fou, le chagrin sans fond, autant de choses impartageables dans les pages des magazines, surtout pour un écrivain qui a si longtemps refusé d’y apparaître.

D’André Breton à Guy Debord

Née en 1942 à Rennes, Annie Le Brun rencontre André Breton et côtoie les derniers surréalistes. À la demande de Jean-Jacques Pauvert, elle préfacera les œuvres complètes de Sade. Elle est l’auteur d’études sur Jarry et Roussel, et d’essais parmi lesquels : Du trop de réalité (2000).

Ne pas se laisser happer par le désastre, tel est pourtant aussi l’enjeu du nouveau livre d’Annie Le Brun. Quand on a côtoyé les plus intenses happy few littéraires de son temps, d’André Breton — elle avait alors 20 ans et, quelques années auparavant, Nadja avait enflammé à jamais son ennui provincial — jusqu’à Guy Debord, vers la fin des années 1980, et qu’il faut vivre cependant à l’époque des imposteurs sans réplique, des chaînes d’info en continu et des sites de rencontres, la question ne s’en pose que plus impérieusement : comment continuer ? Comment tenir dans une époque où «la menace véritable a déjà atteint l’homme dans son être», pour reprendre le fameux constat heideggérien ?


La plus grande exégète de Sade, la plus sauvage, la plus fine, a trop vu de naufragés de sa génération se rancir dans la déploration du monde tel qu’il meurt. Elle a appris à se défier de ces poses. La mise en coupe réglée des cerveaux par la marchandisation culturelle, l’hyperérotisation factice de la société, tout cela, elle l’a déjà pointé dans des livres comme Du trop de réalité, paru en 2000. À lire Annie Le Brun aujourd’hui, on acquiert le sentiment que, malgré le désert qui croît, tout demeure possible. L’amour qui reconfigure tout, la liberté contagieuse de celui qui n’a que son refus à opposer à la défiguration du monde. Tout est fini et pourtant tout commence à chaque instant.

Où sont les véritables réfractaires aujourd’hui ? Pas davantage chez les théoriciens d’extrême-gauche qu’ils ne s’y trouvaient avant-hier, aux yeux d’Annie Le Brun. Les maos et autres groupuscules la révulsaient dans les années 1970. Même l’Internationale situationniste lui semblait finalement assez peu attirante. «Jamais la “haine de la poésie” comme déni de la singularité sensible n’aura eu la part aussi belle qu’au cours de ces années-là.» Sans parler du rôle misérable qui y était dévolu aux femmes — un symptôme «tellement énorme, tellement ridicule», explique celle qui fut pourtant la bête noire des féministes après la parution au Sagittaire, en 1977, d’un pamphlet retentissant : Lâchez tout.

On l’aura compris, Annie Le Brun ne fait rien pour entretenir le culte vintage des «années rouges» au sein des jeunes générations. La récente lecture de l’Insurrection qui vient l’a d’ailleurs laissée très sceptique. «La partie critique est intéressante, admet-elle. Les solutions qu’ils prônent sont en revanche atterrantes. Au fond, ce sont des scouts.» Comme frères d’armes, elle ne se reconnaît guère aujourd’hui que la petite galaxie de l’Encyclopédie des Nuisances, où opèrent entre autres Jaime Semprun, René Riesel et Jean-Marc Mandosio, et qui tente d’articuler une critique sociale antiprogressiste à la suite d’Orwell ou de Günther Anders.


Un appel au sursaut

Dans son nouvel essai, Annie Le Brun se demande notamment si, depuis le XXe siècle, artistes et penseurs n’auront pas été célébrés, toutes tendances confondues, en proportion directe de leur «impuissance à penser le corps et le monde sensible». Contre Hegel, Heidegger ou Sartre, elle s’appuie souvent ici sur certains vaincus de l’histoire officielle des idées : Fourier, dont le Nouveau Monde amoureux sera si longtemps occulté, les frères Schlegel ou un pionnier de la pensée sauvage comme Michel Leiris. Tous ceux qui auront donné les moyens d’affronter les ténèbres extérieures et intérieures en plaçant au-dessus de tout le mythe et la poésie — pas celle qui s’affiche dans le métro, celle qui «permet à qui étouffait de respirer», comme l’écrivait Henri Michaux.

Contre la liquidation programmée de la singularité, de l’amour et de l’éperdu, Annie Le Brun appelle chacun au sursaut. Tout le monde s’inquiète désormais de la déforestation et de la fonte des glaces. L’intense brindille en noir veut croire qu’un jour ils seront aussi nombreux, ceux qui se préoccupent du massacre de la vie intérieure.


Aude Lancelin - Le Nouvel Observateur, 13 mai 2010.




Sobre Annie Le Brun
http://fr.wikipedia.org/wiki/Annie_Le_Brun

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